vendredi 3 juin 2011

Les Pierres Blanches de Bartholomé. 3 : Oubliées 2






Monuments aux Morts des Écrivains et gens de Lettres, 11 bis rue Ballu, 9e ardt.


Dans ce troisième et dernier billet consacré au sculpteur Albert Bartholomé, nous découvrons quatre de ses réalisations moins connues, deux consacrées au souvenir de la " Grande Guerre", une à un célèbre comédien de la fin du XIXe siècle, monument aujourd'hui détruit.




Le Monument aux morts des Écrivains et Gens de Lettre


L'inauguration du monument aux écrivains, auteurs et compositeurs dramatiques morts au champ d'honneur
Un hommage digne et discret, noble et intime a été rendu, hier, aux écrivains, auteurs et compositeurs dramatiques, qui, pieusement, sont morts pour la patrie depuis le début de la guerre.
Un monument dû au ciseau poétique et puissant de M. Bartholomé leur a été élevé dans le jardin même du petit hôtel de la rue Henner, où ils avaient coutume de se réunir et de discuter des intérêts professionnels comme de la pensée française.
Et pour l'inauguration, où les familles avaient été conviées pour donner à la cérémonie son caractère profond de piété douloureuse, le président de la république, se souvenant qu'il fut, en d'autres temps, le conseil des auteurs et compositeurs dramatiques, est venu en personne, accompagné du général Duparge. Il y a prononcé un discours de belle tenue littéraire et plein d'émotion que nous publions d'autre part, disant, interprétant, traduisant avec un grand bonheur d'expression ce que chacun de ces héros, tombés au champ d'honneur, éprouvait au fond de l'âme, en sacrifiant sa vie pour la grande cause de la patrie.
Car de tous les sacrifices si noblement consentis chaque jour depuis vingt mois, il en est peu qui soient plus profondément touchants que ceux de tous ces artistes, de tous ces créateurs de pensée et de rêve qui renoncèrent du jour au lendemain à toutes les ambitions de leur jeunesse, à toutes les promesses que le succès leur apportait pour faire avec simplicité leur simple devoir de soldats.
Fais énergiquement ta longue et lourde tâche, a dit Vigny en parlant du soldat qui obéit, tue ou se fait tuer pour une idée qui souvent ne lui est pas accessible. Mais l'écrivain, le poète, l'auteur dramatique, qui a l'habitude de manier l'idée, a su plus que tout autre dans cette guerre tout ce que son effacement volontaire comportait de grandeur. Tous ont remplacé instantanément l'honneur de l'écrivain par l'honneur du soldat et ils ont aussitôt compris qu'il n'y avait point de type plus parfait de la noblesse morale.
C'est pourquoi tous furent des héros magnifiques. Dans l'immense sacrifice de la généreuse jeunesse française, le sacrifice particulier, des artistes illuminera l'humanité.
Qui donc en douterait, en lisant les noms que M. Romain Coolus citait, hier, en arrachant le voile du monument consacré à rendre leur mémoire impérissable
Paul Acker, sous-lieutenant, qui fut de cette maison du Gaulois qu'il aimait Maurice Desclers, dit Paul Bail, sous-lieutenant Georges Battanchon, Joseph Battut, caporal Dimitri de Bernadaki, dit Vova Berky, engagé volontaire Jean Bellon, dit Benedict, engagé volontaire., adjudant Maurice Beslay, lieutenant André Beury, lieutenant Henri Carbonnelle, lieutenant Guy de Cassagnac, sous- lieutenant, qui fut l'honneur de la presse Maurice Chalhoub, dit Mareil, élève-pilote d'aviation Fernand Lapertot, dit Fernand Dacre, capitaine Pierre Deville, maréchal des logis Charles Dumas, capitaine Empile Gaignette, caporal Emmanuel.Gallian, dit Noël Gaulois., aspirant Etienne Garnier, soldat Pierre Ginisty, lieutenant Robert.d'Humières, lieutenant Pierre Laîné, Albéric Magnard, Charles Muller, sous-lieutenant Jacques Nayral, engagé volontaire Philippe Moreau, soldat Georges Thellier de Poncheville, engagé volontaire, sous-lieutenant Antoine Yvan, lieutenant André Pradels, lieutenant. Tous sont tombés, face à l'ennemi, en ayant conscience qu'ils remplissaient un devoir historique.
En rappelant leur gloire aux écrivains de demain, qui viendront encore dans le petit hôtel de la rue Henner, le monument inauguré nous donnera en même temps une leçon du stoïcisme actif et tendu qui, ne sera pas perdu pour le génie français.

Georges Drouilly, Le Gaulois, 4 mai 1916.






Monuments aux Morts des Écrivains et gens de Lettres, 11 bis rue Ballu, 9e ardt.









DISCOURS OU PRESIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
M. Raymond Poincaré prononce ensuite le discours suivant :

Messieurs,

Je vous remercie de vous être rappelé, en ce jour, de deuil et de fierté, que j'ai été, pendant de longues années, le conseil de votre société, que j'en suis resté l'ami fidèle et que je n'ai pas perdu le droit de partager vos tristesses et vos émotions. Plus cette cérémonie commémorative est intime et familiale, plus il m'est doux d'y avoir été convié. Aucun de vos morts ne m'est étranger et je veux, comme vous, mon cher président, leur apporter à tous mon tribut d'admiration.
(…)
Messieurs, j'ai eu, tout récemment encore, la sensation très nette des services que rendent à la civilisation latine vos confrères mobilisés. Je m'étais arrêté, en Alsace, sur la tombe de l'un d'eux. Le cimetière où il dort s'étage en terrasses au flanc d'un contrefort vosgien ; des croix de bois, couvertes de couronnes fraîches, s'alignent sur chaque palier ; les tertres sont jonchés de fleurs et de feuillages ; un grand drapeau tricolore, hissé à un long mât, flotte sur le dernier sommeil des bons Français que leurs compagnons d'armes ont pieusement conduits à ce champ de repos. En bas, dans la vallée, toute verdoyante et animée d'eaux vives qui coulent vers le Rhin, les habitants fraternisent, au bruit du canon, avec les troupes françaises; les villages et les bourgs ont l'aspect du bien-être et de la confiance ; les filles d'Alsace piquent la cocarde aux trois couleurs sur leurs grands nœuds de soie noire ; les enfants, dans les écoles, chantent la Marseillaise et récitent, au mépris de Lessing et de son Traité de la Fable, les plus charmantes pages de La Fontaine. Et, dans la jolie symétrie française de ces tombes militaires, dans le réveil de ce pays si longtemps opprimé par l'Allemagne, dans la magnifique allure des troupes qui occupent ces marches reconquises, dans la joie de cette enfance qui sourit au retour de notre génie national, j'ai trouvé, messieurs, comme une signification symbolique et j'ai répété au fond de moi-même: « Honneur à ceux qui reposent ici ! Ils ont sauvé le sens de la composition et de l'harmonie, l'art de la forme et des proportions élégantes, le goût de l'ordre et de la mesure ; ils ont sauvé la grâce et la pureté de l'idée française. »
Avant de se séparer, les assistants contemplent longuement le chef-d'œuvre de Bartholomé. L'artiste a représenté, dans la manière sobre, puissante et émouvante qu'on lui connaît, une jeune femme penchée sur une stèle funèbre. C'est l'évocation de la douleur, du recueillement et de l'espérance; c'est l'acte de piété qui convient pour honorer les écrivains, les artistes dont l'essor a été si glorieusement brisé.
La maquette de Bartholomé sera exécutée plus tard en marbre et sur la stèle on gravera les noms des auteurs et compositeurs tombés sur les champs de bataille. Le monument restera dans le jardin de l'hôtel de la société.

LE TEMPS, 4 Mai 1916.




Le Monument à Victorien Sardou
Le monument de Sardou, en béret, vareuse et sandales, œuvre du sculpteur Bartholomé, est à la fonte et sera bientôt édifié sur le terre-plein de la Madeleine, à l'emplacement d'une fort élégante fontaine. Cette fontaine faisait pendant à celle que remplaça naguère la statue de Jules Simon. dont le sort est, paraît-il, assez précaire puisque l'on parle de remettre la fontaine à sa place.
Mais le piquant de l'aventure, c'est que Sardou passant sur la place de la Madeleine, quelques jours avant sa mort, en compagnie d'un Parisien averti, lui disait : « Croyez-vous que ces vandales sont assez vandales Il y avait ici, jadis, deux jolies fontaines, et ils ont eu l'idée saugrenue de remplacer celle du terre-plein gauche par une statue! Heureusement ils ont épargné la fontaine qui fait pendant et que nous pouvons admirer dans sa grâce et sa légèreté. » Il paraît cependant que c'est chose décidée et que malgré l'opinion de Sardou nous verrons bientôt l'illustre dramaturge faire vis-à-vis à Jules Simon. à la place de la jolie fontaine. Alors, au lieu d'une fontaine, nous n'en aurons plus, et au lieu d'une statue, nous en aurons deux.

Concernant les fontaines de la place de la Madeleine







Monument à Victorien Sardou, Bronze détruit en 1941, érigé Place de la Madeleine en 1924
Avec l'aimable autorisation de Claude Boissy du site lartnouveau.com/Paris 1900








Le Monument Victorien Sardou

La cérémonie d'inauguration
un discours de M. R. Poincaré

Par M. Laurent Saint-Raymond

Ce fut une charmante matinée de Paris. De l'esprit, de l'enthousiasme, de l'émotion ; des orateurs diserts, un public d'élite... Le ciel eût pu être plus franchement printanier - mais alors il eût été moins parisien. Tantôt, ensoleillé, tantôt pluvieux, n'était-il pas, aussi bien, la fidèle image de cette œuvre de Sardou où le rire et les larmes, la comédie et le drame alternent. ?
Comédie et drame figurent aussi dans le monument, du maître Bartholomé, qui nous offre une image si aimablement familière de, Victorien Sardou
« L'auteur de Madame Sans-Gêne, écrit M. Simon Arbellot, est assis sur un banc de pierre, coiffé du petit béret qu il affectionnait, vêtu simplement il regarde les passants, une grande expression de bonté se lit sur son visage aux traits fins et réguliers ; il ne pose pas, mais vit, et les siens, comme tous ceux qui eurent l'honneur de l'approcher, retrouveront dans ce bronze une des attitudes familières du génial flâneur du parc de Marly.
« Derrière lui, au deuxième plan deux grands sujets allégoriques représentent la Comédie et le Drame où le maître Bartholomé affirme successivement les qualités de grâce et de puissance d'expression qui ont fait de lui un des plus fameux évocateurs de ce temps. »
La composition architecturale du monument, qui est du plus heureux effet, est l'œuvre du fils aîné de l'illustre dramaturge, M. Pierre Sardou.
Dès dix heures et demie, sur l'estrade qui a été installée près du monument, et sur les chaises qui ont été disposées dans une petite enceinte, prennent place des notabilités du monde du théâtre, des lettres et des arts. M. René Doumic, secrétaire perpétuel de l'Académie française, et ses collègues, MM. Bergson, Bédier et Richepin, ont endossé l'habit vert : ils représentent l'illustre compagnie dont M. Sardou fut.membre.
Les enfants du maître sont là : la marquise Robert de Flers, née Sardou, et M. Robert de Flers, MM. Pierre, Jean et André Sardou.
(...)
Aux fenêtres des immeubles voisins des observateurs se sont installés, et l'on en voit jusque sur les toits. De l'autre côté du boulevard Malesherbes, des curieux se sont installés entre les colonnes de l'église de la Madeleine.
Une rumeur et des bravos saluent l'arrivée de M. Raymond Poincaré, auquel les soucis du pouvoir et les luttes politiques laissent un teint clair et une alerte démarche.
La cérémonie commence. M. André Messager prend place le premier à la petite tribune qui a été dressée auprès du monument. Le maître est, au nom de la Société des auteurs dramatiques, chargé de remettre le monument à la Ville de Paris - que le président du conseil municipal, M. Lalou, représente à la cérémonie.
(...)
M. André Messager salue ensuite M. Bartholomé, « le grand sculpteur dont on admire l’œuvre dans l'encadrement que la piété d'un fils a si heureusement composé »
M. Lalou, qui succède à M. Messager, s'attache à évoquer le Sardou amoureux du passé de Paris, fureteur inlassable qui s'est empli les yeux et l'esprit de « tout ce qui avait été le décor de la Révolution et de l'Empire ».
Quand M. Jean Richepin se dirige ,vers la tribune, il est si droit, sa démarche est si alerte, il y a tant de crânerie élégante dans toute sa personne que, déjà charmé, le public applaudit. Le mot d'autrefois est toujours vrai : le poète de la Chanson des Gueux a toujours « l'air de son propre buste » qui, un peu patiné par les années, n'en a que plus de caractère.
M. Jean Richepin ne tire pas des basques de son. habit vert des feuillets dactylographiés ou manuscrits. Tout à 1'heure, il sortira de sa poche seulement une coupure, une toute petite coupure
de journal, une de ces coupures qu'il comparera à un papillon, Il ne lit pas. Il parle. Avec une aimable aisance, une séduisante désinvolture, il passe du ton lyrique au ton familier. Qu'importe au poète de frôler le sol puisque d'un coup d'aile il peut remonter à volonté vers les cieux ?
Le poète, qui n'aime pas le style officiel dans la statuaire, sans ambages dit tout le mal qu'il pense des redingotes de drap et plus encore des redingotes de marbre ou de bronze ce qui est un peu cruel pour Jules Simon qui, de l'autre côté de la place, surveille tout le jour, dans ce costume peu sportif, le départ des autobus.
Ayant noté la sympathie qui unissait Becque et Sardou, et cité ce mot de Becque : « Sardou sera debout devant la postérité », M. Jean Richepin s'écrie :
Non ! il n'est pas debout : Becque se trompait sur ce point ; c'est assis que nous le voyons ! Regardez : Sardou est là ! il fait répéter ; il est en costume de travail ; Bartholomé l'a représenté comme il doit l'être, attentif à tout, et d'une vie surabondante. C'est comme cela qu'il faut qu'on le voie. On parle beaucoup de faire sauter toutes les statues de Paris. On a raison pour celles qui sont en redingote. Quoi,de plus laid qu'une redingote ? Et quand elles sont en bronze ou en marbre, alors c'est hideux Mais ici, Sardou est en veston ; il a son béret et son foulard ; nous retrouvons cet homme à la mémoire étonnante qui écorchait – exprès - les noms des grands comédiens, mais qui appelait tous les figurants par leurs petits noms, car il avait autant de cœur que d'esprit ! Quand, dans Paris, il n'y aura plus rien que du machinisme, quand tout sera mû par l'électricité, quand l'art et la littérature menaceront de disparaître, eh bien, ce jour là, Sardou se lèvera. il nous dira « Enchaînons » et nous fera retrouver le goût de la vie
La, voix de M. Richepin a de la vigueur, ses gestes et son mâle visage sont toujours expressifs. Aussi son succès est-il vif.
M. Georges Lecomte qui prend la parole au nom de la Société des Gens de Lettres dont il est nul ne l'ignore, le président, nous montre admirablement Sardou cherchant à travers l'histoire et le passé des éléments pour ses créations.
Sardou suit une piste historique comme il développe une intrigue de théâtre. Très amusé par le travail de son imagination et le progrès de sa découverte, il a le flair de l'explorateur, la divination particulière à l'inventeur. Dans ses hardies randonnées à travers les tourmentes des civilisations et des siècles, il s'aide d'une érudition sûre, de lectures immenses, faites passionnément, avec allégresse, mais précises et contrôlée
Aussi. lorsque, comme il arriva pour Flaubert à l'occasion de Salambô, on eut l'imprudence de critiquer sa mise en scène de Théodora et de Gismonda, c'est à coups de textes que, tel un savant, il répliqua, mais en outre avec une verve, une dialectique, une force comique irrésistibles qui mirent ̃-avec la victoire - les rieurs- de son côté.
(…)
Les dames penchent la tête, les hommes assurent leur monocle ou leur pince-nez, les photographes se mettent au garde à vous, les cinématistes ont la main sur leurs manivelles :M. Poincaré s'est levé, il se dirige vers la tribune, il y prend place, il va parler... Alors, de l'estrade, et des rangs de chaises, et des balcons, et des toits, et des gradins de la Madeleine partent, éclatent, crépitent des applaudissements. C'est une ovation qui dure quelques secondes - mais que coupe la voix nette, un peu rêche, du président... Deux mots de lui, et aussitôt s'établit un grand silence, fait de respect et d'attention, si bien que cette voix claire, précise, qui prononce admirablement, mais qui n'est pas très sonore, est entendue de tous les auditeurs et porte jusqu'aux balcons des maisons voisines, jusqu'aux propylées de la Madeleine.
M. Poincaré rappelle qu'il a été le collaborateur de Victorien Sardou en qualité d'avocat-conseil de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, dont le dramaturge était président.
(...)
On applaudit. C'est fini. Parmi les assistants, les uns s'approchent du monument pour mieux l'étudier, la plupart s'empressent sur l'estrade, afin d'apporter leurs félicitations à Mme Robert de Flers et à son mari, à MM. Pierre, Jean et André Sardou, à M.Bartholomé ou aux orateurs, - tandis que le public qui, sur les trottoirs de la place et sur les degrés de l'église, guettait la sortie du président du conseil, crie longuement « Vive Poincaré, !.. Vive Poincaré !...»
Laurent Saint-Raymond
Le Gaulois 26 mai 1924





Monument aux Morts du Palais de Justice








Monument aux Morts du palais de Justice, Salle des Pas Perdus, Paris 1er ardt.











ÉMOUVANTE CÉRÉMONIE

Aux membres de ta Famille judiciaire morts pour la Francele Palais de Justice, toutes compagnies réunies autour du monument du maître Bartholomé, a, hier, salle des Pas-Perdus, rendu un suprême hommage aux membres de la Famille judiciaire morts pour la France.
Ce fut d'une poignante et grandiose simplicité.







Monument aux Morts du palais de Justice, Salle des Pas Perdus, Paris 1er ardt.






En ce Palais de la Parole, où s'élèvent chaque jour les voix les plus illustres de la France, en présence du président de la république et du président du conseil, M M.Millerand et Poincaré, gloires égales de la barre, cette fête des morts fut, si j'ose dire, la fête du Silence. Seules y furent entendues d'abord, la voix mâle et vibrante du sauveur de la France célébrant d'un mot - un mot concis de soldat - l'héroïsme de ceux qui ne sont plus, ensuite l'appel des noms, des innombrables noms, glorieux, modestes ou obscurs, noms de ceux qui, étape par étape, tombèrent sur le chemin sanglant de la Victoire.
Et c'était une vision d'incomparable grandeur, celle de ce Chef suprême, debout, immobile comme au port d'armes, en son simple uniforme de campagne étoilé de la médaille militaire et de la croix de guerre lourde de palmes, écoutant pieusement cette liste de deuil et de. gloire, comme aux soirs de combat, dans l’apaisement de la mitraille, s'écoutait l'appel des disparus.
Dès avant midi, toutes les compagnies judiciaires en grand costume d'apparat avaient pris place face au monument du maître Bartholomé : la France déposant l'immortel casque du poilu sur la tête d'un avocat en robe, pieusement agenouillé.







Monument aux Morts du palais de Justice, Salle des Pas Perdus, Paris 1er ardt.







A midi, dans le fracas de la Marseillaise, le cortège officiel fait son entrée ; le président de la république d'abord, M. le maréchal Foch ensuite, tous les personnages officiels, généraux, ministres, etc.
Lentement, d'un pas grave, M. le maréchal Foch gagne sur une estrade le fauteuil qu'il occupera, face à toute l'assemblée aux côtés du monument, aux pieds duquel s'entassent d'admirables couronnes déposées par les bâtonniers de Bruxelles, le jeune barreau de Bruxelles, le barreau du
Luxembourg, etc.
Et de suite, debout dans le silence, M. le maréchal Foch, d'une voix vibrante, qui semble remplir, l'immense vaisseau de la salle des Pas Perdus, prononce ces quelques mots :
« Monsieur le président de la république, messieurs, je vous apporte ici le salut affectueux des combattants de la grande guerre à la légion de vaillants dont l'exemple fut un des plus purs de cette longue lutte
« Chefs, soldats, vous tous, glorieux ou modestes morts de la famille judiciaire tombés au cours des furieuses batailles, votre. souvenir demeurera impérissable dans nos cœurs.
« Par votre courage poussé jusqu'au sacrifice suprême, vous nous avez conduits jusqu’à l'obligation de vaincre. Vous avez fait la victoire. Pouviez-vous mieux servir la France ?
« Dormez dans l'immortalité, entourés à jamais de notre fidèle affection »
A son tour, M. Colrat, garde des sceaux, se lève et, en signe de piété et de regret, demande à tous la solennelle minute de recueillement.








Monument aux Morts du palais de Justice, Salle des Pas Perdus, Paris 1er ardt.








Alors, toutes les troupes présentent les armes, toutes les lames sortent des fourreaux, toutes les têtes s'inclinent et dans cette salle immense, de toute cette foule entassée, pas un souffle ne monte pour troubler la grandeur de ce silence pieux comme une prière.
Et, brusquement, c'est un appel bref et vibrant. « Trompettes, ouvrez le ban ! »commande M. le maréchal Foch. Et, gravement, il ajoute « Nous allons faire l'appel des membres de la famille judiciaire morts pour la France. »
Sonnerie rapide et l'appel commence L'un après l'autre, conduits aux côtés du monument par les huissiers de l'ordre, procèdent à l'appel de leurs membres tombés au champ d'honneur, les présidents des cours de cassation et d'appel, du tribunal, des chambres des avoués, des notaires, des commissaires-priseurs, ,des huissiers, des agréés, du conseil de préfecture, du tribunal de commerce, de la presse et de l'information judiciaire, du barreau tout entier enfin.
L'appel fini, une fois encore s'élève la voix du maréchal :
-Trompettes, fermez le ban !
Et la Marseillaise écoutée debout, c'est le départ aux sons de La Marche funèbre de Chopin.
Lentement le président de la république d'abord, M. le maréchal Foch ensuite, s'inclinent devant le monument et se retirent, imités de tous.
M. le maréchal Foch est reconduit à sa voiture. Le président de. la république se rend à l'ouverture de la conférence du stage.
Félix Belle.
Le Gaulois, 3 décembre 1922.






Monument aux Morts du palais de Justice, Salle des Pas Perdus, Paris 1er ardt.















Le modèle définitif de la médaille de la croix de guerre 14-18 serait de Bartholomé








Une Tombe





Sépulture Marbel de la Croix, 8è division, Cimetière Montparnasse, XIVe ardt.








Sépulture Marbel de la Croix, 8è division, Cimetière Montparnasse, XIVe ardt.





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